Conférence du mardi 10 janvier 2023

Les pratiques musicales dans les stations thermales en Savoie

par Théophile Bonjour, musicologue, doctorant à l’Université de Limerick (Irlande)

Aix-les-Bains comme Évian-les-Bains doivent une bonne partie de leur réussite dans le marché du thermalisme, du début du XIXe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, au volontarisme des dirigeants de leurs casinos, établissements thermaux et conseils municipaux en matière de distractions musicales proposées aux curistes. Ces deux stations deviennent de véritables plateformes musicales dans lesquelles les musiciens les plus en vue viennent se produire et où une programmation musicale et spectaculaire très ambitieuse est mise en place, avec plusieurs formations instrumentales (du quatuor à l’orchestre symphonique), plusieurs troupes (du ballet à l’opéra-comique), donnant plusieurs représentations et concerts quotidiens tout au long des saisons d’été. Le point d’orgue de cette histoire de la musique thermale savoyarde est sans doute la première française de l’opéra de Wagner Tristan et Isolde au Grand-Cercle d’Aix durant la saison des eaux 1897. Ce développement des pratiques musicales, très coûteux et peu rentable, suit une stratégie économique visant à attirer et retenir le maximum d’« étrangers » (selon la terminologie de l’époque), et ainsi dégager des distractions musicales des bénéfices (financiers ou symboliques) indirects. Du côté des musiciens, l’adaptation est de mise pour augmenter sans cesse le nombre de concerts et l’étendu du répertoire avec le minimum de répétition et d’effectif. Le fonds de plus de 10 000 partitions des orchestres thermaux aixois, conservé aux Archives municipales d’Aix, porte trace de cette activité musicale débordante.